Jucelino Kubitschek et l’Amazonie où quand le positivisme mettait l’homme et la nature au coeur des considérations politiques

Tiradentes-Géographie a redécouvert (grâce à des amis progressistes brésiliens du net) ce texte d’un monde encore plein d’espoirs, où JK proposait sa vision du développement amazonien aux hommes qui devaient eux-mêmes l’animer et en vivre. Certes, si l’idée mercantile d’une exploitation des ressources amazoniennes  est bien présente, JK rappelle que les hommes qui exploiteront ces richesses devront pouvoir en vivre dignement. Certes, les limites d’alors n’étaient pas celles d’aujourd’hui. Les populations étaient moins nombreuses et leur appétit per capita était plus frugal. Le réchauffement climatique, les pluies acides étaient des problématiques inconnues. Peut-être était-il plus aisé d’être humaniste dans une période de croissance économique et de construction d’un pays neuf aux ressources que l’on a longtemps crû inépuisables. Pourtant, dans le ton de ce texte qui résonne comme un « monde d’avant », un monde d’espoir, l’homme qui parle, fusse-t-il président, reste un « humain » conscient de la vie de la cité et de ses difficultés et qui s’engage à honorer le contrat social lié à sa fonction. Eloge à la modernité ? Il semblerait alors presque anachronique de dire qu’être moderne aujourd’hui reviendrait à penser comme avant.

(La traduction n’est sans doute pas parfaite…Tiradentes a essayé cependant de rester au plus prés de l’esprit du discours)

 

https://www.scielo.br/scielo.php?script=sci_arttext&pid=S0101-47142018000100407

No Clube Ideal, sobre o Plano de Valorização Econômica da Amazônia Manaus, 18 de abril de 1956.

Cliquer pour accéder à 628-Discursos_jk.pdf

« Je visite ici cette immense région du Brésil, l’Amazonie, qui mérite non seulement l’attention et la sollicitude des gouvernements, mais toute l’énergie et la technique dont nous disposons pour comprendre et proposer un avenir juste, constructif à cette immense région qu’est notre Amazonie.

L’Amazonie légale occupe 60% du territoire national, et sa population, d’après les données très approximatives dont nous disposons, en 1950,  compose 6,83% de la population totale du Brésil, avec une densité démographique de 0,7 habitants par kilomètre carré. Ce qui peut apparaître aux yeux du monde comme un désert, nous le percevons comme un grand trésor caché. L’énergie humaine, la discipline que les hommes doivent mettre en œuvre chaque jour y seront un facteur d’enrichissement pas seulement pour cette région mais pour tout le pays, consolidant ainsi son indépendance économique.

Il n’est pas rare que dans mon interminable labeur au Palais du Catete, détourné par des problèmes de peu d’importance qui font perdre ce temps précieux, ce temps qui n’est après tout pas le mien, mais celui de ce pays auquel je me suis consacré, me vienne à l’esprit ce monde abandonné, que quelques héros entretiennent et soutiennent, Dieu sait avec quel effort, avec quel sacrifice, avec quelle ténacité.

Tout ce qui doit être fait, tout ce qui doit être construit pour façonner ce territoire disproportionné, assaille ma conscience, me blesse et m’inquiète. L’Amazonie ne peut pas être seulement un thème littéraire, un sujet international, un paradis d’histoires exotiques, un terrain pour les aventuriers en quête de nouvelles émotions. L’Amazonie n’est plus un monde qui viendrait de naître, un monde qui attendrait son réveil.

L’Amazonie est un problème de gouvernement qui doit être considéré avec grandeur et exactitude. C’est plus qu’un problème de gouvernement : c’est en fait un problème pour la nation brésilienne toute entière.

J’ai été ici plusieurs fois, candidat à la présidence de la République, et j’ai fait des promesses concrètes. Je reviens aujourd’hui comme président, dans le plein exercice de ma fonction, pour vous dire que ce n’est pas en vain que je suis ici, que je ne ménagerai aucun effort pour répondre à l’appel ancien et jamais entendu de cette région, qui veut cesser de n’’être que l’objet des lamentations et des cris effrayés de ceux qui cherchent à échapper à l’ennui et à la monotonie de la vie.

Je suis venu vous dire que le candidat et le président ne sont pas deux personnes différentes, mais une seule, unie dans la solidarité pour tenir les promesses faites.

Je ne vous ai pas promis, peuple de la région amazonienne, des miracles, et je n’ai pas juré de forcer imprudemment le rythme du progrès.

Ce que j’ai annoncé que je ferais est réalisable, c’est possible et c’est  même indispensable, c’est à la portée de nos forces. L’Amazonie, comme vous le savez mieux que quiconque, est une région pd’une importance sentimentale transcendante. Elle présente des conditions particulières qui nécessitent des solutions qui lui sont propres, et leur développement économique ne peut être ralenti.

La solution aux problèmes de l’Amazonie peut être largement facilitée par l’existence d’un réseau hydrographique d’une extension inégalée, constitué de fleuves puissants et au cours libre, qui permettent le transport de sa production. Avec des ressources minérales encore mal connues,

mais que les recherches déjà effectuées révèlent être considérables, l’Amazonie, aux terres souvent inhabitées et  encore mal connues, est une région avec un réel potentiel de développement.  Ainsi, sa valorisation peut être définie comme un effort national pour assurer sa « colonisation » au sens brésilien, pour constituer dans cette région une société économiquement stable et progressiste.

C’est dans ce but qu’a été créé le Plan pour la Valorisation Economique de l’Amazonie, que j’ai l’intention de voir réalisé pendant mon gouvernement, grâce à une politique de crédit efficace qui stimulera les activités économiques existantes dans la région et permettra l’investissement de nouveaux capitaux.

Pour l’exécution du plan, il est nécessaire d’effectuer des études et des recherches sur le potentiel économique de cette grande région, d’installer des stations expérimentales et des écoles professionnelles, de résoudre les problèmes de santé par un réseau d’hôpitaux régionaux et de postes d’assistance dans toutes les municipalités. Il faut que les moyens de transport et de communication répondent aux besoins de la circulation de produits. En bref, que tous les programmes des secteurs de la production agricole, des ressources naturelles, des transports, des communications et de l’énergie, de la santé et du développement culturel, visant à la récupération indirecte des investissements, soient réalisés, grâce à une meilleure connaissance des richesses amazoniennes et leur bonne exploitation, ainsi qu’une juste redistribution aux hommes.

Il est également essentiel que l’accès au crédit se fasse de manière appropriée, en profitant des conditions favorables. L’action gouvernementale devra stimulée, par un système de crédit particulier, les activités privées afin qu’elles se sentent encouragées à participer à l’effort d’accroissement de la production et à l’amélioration du niveau de vie dans la région. Ce n’est qu’ainsi que le Plan de valorisation économique de l’Amazonie deviendra une réalité.

Le système de crédit en vigueur en Amazonie ne s’identifie pas aux objectifs modernes du développement économique, car il fonctionne sur une base purement commerciale. Les établissements fonctionnent avec des procédés dépassés, qui ne servent qu’à rendre la production plus coûteuse, avec des pertes pour le producteur.

En plus des pratiques bancaires des établissements qui opèrent sur la base de dépôts, il nous a semblé nécessaire de permettre aux acteurs économiques de disposer du portefeuille de crédits agricoles et industriels du Banco do Brasil et du Fundo de Fomento à Produção, du Banco de Crédito da Amazônia.

Il est nécessaire d’accroître et de développer l’action des institutions de crédit gouvernementales, en l’étendant à l’intérieur du pays et en rendant les financements plus accessibles, dans le cadre d’une politique subordonnée aux orientations du Plan de valorisation de l’Amazonie.

Le problème a été bien considéré par le Congrès national, lors de l’élaboration de la loi n° 1.896, qui a permis au Plan de Valorisation Economique de l’Amazonie de compter sur un crédit réversible, adapté au niveau d’emploi et de revenu, sans caractère spéculatif, et d’accès facile aux petits producteurs.

Je peux donc vous dire, compte tenu des programmes déjà présentés, que j’attends une participation considérable de l’Amazonie dans l’exécution de projets visant à atteindre les objectifs économiques fixés dans mon plan de développement national.

Selon les données dont je dispose, à la fin de mon mandat de cinq ans au gouvernement, en travaillant dur, l’Amazone apportera vingt millions d’hévéas, qui produiront du caoutchouc d’une valeur de deux milliards quatre cent millions de cruzeiros par an, avec la production de soixante-dix mille tonnes de ciment, cent mille tonnes de papier et trente mille tonnes de pâte à papier, ainsi que l’exportation annuelle de deux cent mille tonnes de minerai de fer.

Cette région privilégiée apportera, dans la période 1956-1960, une source vraiment considérable de devises étrangères, grâce à l’exportation de manganèse, de noix du Brésil, de minerai de fer, de caoutchouc et de bois.

Pour atteindre ces objectifs, le Fonds pour la valorisation économique de l’Amazonie disposera d’un total de treize milliards de cruzeiros, qui seront entièrement affectés au financement de tous les secteurs de production, avec pour objectif principal de créer de la richesse, de multiplier les initiatives, de construire enfin un centre de progrès vital pour le pays dans cet immense désert qu’est aujourd’hui l’Amazonie.

Pour mener à bien ce vaste programme, la Surintendance du Plan de Valorisation Economique de l’Amazonie doit compter sur l’aide du portefeuille de crédits agricoles et industriels de la Banco do Brasil.

Je tiens à mentionner tout particulièrement le problème alimentaire, qui est l’une des principales préoccupations de mon gouvernement. Dans ce secteur, auquel je consacre le meilleur de mes efforts, j’espère que l’application des ressources mises à disposition par la Surintendance du Plan pour la Valorisation Economique de l’Amazonie permettra d’augmenter le cheptel animal, sur la base de l’année 1952, de l’ordre de trente pour cent, qui est le minimum estimé pour la croissance du cheptel bovin, tout en augmentant sa productivité, de manière à en permettre une meilleure utilisation, sans préjudice de productivité.

L’Amazonie contribue avec 0,72% de la production agricole nationale, une production insuffisante pour nourrir sa petite population. Elle est contrainte d’importer des denrées alimentaires, alors qu’elle peut devenir un centre d’exportation, principalement de produits industrialisés. Le Brésil n’a pas encore réellement découvert ces trésors que représentent le poisson d’Amazonie, la noix du Brésil et d’innombrables autres produits de cette terre fertile et généreuse.

J’ai laissé le cas du pétrole à la fin. Le président de Petrobrás m’informe que les espoirs de trouver une solution rapide au difficile et tardif problème de l’exploitation des gisements pétroliers se transforment déjà en réalité, en de réalités concrètes.

J’ai toujours recommandé que les bonnes nouvelles soient annoncées avec prudence, car les nations en ont assez des illusions perdues. Mais tout nous porte à croire que nous aurons bientôt des nouvelles   concrètes à donner aux habitants de cette région et de tout le pays. Comme preuve que l’effort constructif en Amazonie commence déjà, la raffinerie de Manaus y est pratiquement terminée, une industrie très moderne implantée dans un chapadão, d’où l’on peut voir, depuis le confluent du Rio Negro et des Solimões, le cours du grand fleuve légendaire.

Cette raffinerie est le fruit de l’effort de votre peuple, car si elle est un défi lancé par le monde technique à la puissance des forces de la région, ce sont les Amazoniens qui l’ont créée et les Brésiliens qui l’ont mise en place si rapidement.

Que Dieu permette à cette région de se transformer et de se développer. C’est le destin du Brésil et pas seulement le vôtre qui l’exige ».

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