L’offre de lits de soins intensifs dans les capitales brésiliennes : concentration et inégalités

L’approche géographique est rarement uniscalaire. L’étude de l’offre de lits en soins intensifs dans les capitales des Etats brésiliens permet d’illustrer la concentration de certains services selon un modèle centre-périphérie. Une capitale s’inscrit au coeur d’un réseau de villes qu’elle polarise de manière plus ou moins monopolistique. Dans les Etats les plus récemment mis en valeur, plus ruraux, le territoire de la capitale tend à concentrer le tertiaire supérieur. Peu de villes apparaissent comme des « contrepoids » suffisamment importants pour être susceptibles de recevoir des hôpitaux avec des services de soins intensifs. On peut ainsi vérifier l’hypothèse d’une concentration plus importante des services dans le Nord et le Nordeste. Dans 3 Etats, les capitales concentrent 100% ds lits UTI (en Amazonas, en Amapa et dans le Roraima) et 90% dans le Sergipe, petit Etat du Nordeste (FIG.1).

FIG.1 Taux de concentration des lits UTI des Etats par capitale d’Etats

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A contrario, dans les Etats du Sud et du Sud-Est, l’organisation spatiale plus multipolaire limite les effets d’une « macrocéphalie » de la capitale. Dans les Etats de ces régions, les capitales ne concentrent jamais plus de la moitié des lits UTI de l’Etat. Globalement, toutes les capitales ont un ratio lits UTI/10 000 personnes supérieur au seuil requis de 1 lit/10 000 personnes.

FIG.2 Nombre et densité de lits UTI par capitale d’Etat

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Mais là encore, on observe une grande hétérogénéité entre les capitales les mieux desservies qui varient entre 1.42 à Macapà (Norte), 7 à Florianopolis (Sud)  et Cuiaba (Centroeste) et 8.47 à Vitoria (Sudeste). Les Etats amazoniens disposent en général de peu de lits, d’une densité de lits UTI et d’une forte concentration de ces lits en un seul lieu, la capitale de l’Etat, ce qui de fait limite l’efficience de la réponse des services de soins intensifs dont on sait l’importance dans la lutte contre le Covid19. Mais l’inégalité de l’offre de soins au Brésil ne revêt pas qu’une dimension spatiale. Au risque de se répéter, c’est bien l’aspect socialement discriminatoire qui limite l’efficience dus sytème de soins. Ici encore, la lecture de l’offre de lits en soins intensifs publics montre les profondes inégalités du système.

FIG.3 Nombre et densité de lits UTI publics par capitale d’Etat

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Si l’offre de lits en soins intensifs publics (2.07) est bien le double du ratio minimum requis de 1 lit pour 10 000 habitants, certaines capitales proposent une offre infèrieure à ce ratio. Si cela semble en définitive peu surprenant dans les Etats amazoniens, les taux faibles dans la capitale fédérale du Brésil (0.91) et dans l’ancienne capitale Rio (1.25) rappellent s’il le fallait encore la dimension mercantile du système de soins. L’offre publique cède souvent le pas à l’offre privée quand celle-ci trouve un terreau favorable.

FIG.4 Nombre et densité de lits UTI privés par capitale d’Etat

 

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L’offre de soins intensifs dans les cliniques privées est 3 fois supérieure à celle du public lorsqu’elle est rapportée au nombre de bénéficiaires (6.72 lits pour 10 000 habitants contre 2.07 dans le public). Hormis Rio Branco (Acre), seule capitale a disposé d’une desserte infèrieure à 1 lit UTI pour 10 000 habitants, le ratio de l’offre privée en soins intensifs apparait avantageux dans toutes les capitales. La desserte médiane est supérieure à 6 lits pour 10 000 habitants. Ici encore, la dualité de l’offre de soins au Brésil biaise cette approche. La figure 5 montre que moins du quart des habitants des capitales d’Amazonie (région « Norte ») ont accés aux services de soins privés. Si la part de bénéficiaires d’assurance de santé privée est légérement supérieure dans les grandes capitales du Nordeste, elle n’y dépasse jamais 40%. A l’opposé, dans toutes les capitales du Sud et du Sudeste, la part de bénéficiaires des assurances privées couvre prés de la moitié de la population.

FIG.5 Nombre et part de bénéficiaires d’assurances privées par capitale d’Etat

 

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Ainsi, la revue britannique « The Lancet » rappelait les enjeux de la nécessaire adaptation du système de soins à la réalité de la pandémie.

https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(20)31095-3/fulltext

Les cas de contamination par covid19 se disséminent dans des villes brésiliennes de plus en plus petites, alors même que l’offre de soins n’y est souvent pas en mesure de prendre en charge les patients. L’ouverture à tous des services de soins intensifs privés semble désormais la condition sine qua none au « terrassement » du virus.