Deuxième article de notre opus sur les inégalités de dessertes hospitalières en lits de soins intensifs au Brésil, il s’agira ici de montrer les inégalités de l’offre de soins privés. Pour rappel, seuls les services de soins intensifs sont à même de prendre en charge les malades souffrant d’affection aigües au Covid 19. En effet, comme au Maroc, les classes moyennes et supérieures se tournent vers l’offre de soins privés, comme elles se tournent d’ailleurs vers l’enseignement privé. Alors que les bénéficiaires des « plans de santé’, c’est à dire d’une assurance privée, ne représentent que 25% des Brésiliens, les lits privés en soins intensifs composent la moitié de l’offre. Dans toutes les régions, le ratio « offre de lits rapportée au nombre d’habitants » dépasse les minima requis par le ministère de la santé (entre 1 et 3 lits pour 10 000 habitants). Il est en moyenne, au Brésil de 4.2. Tout comme l’économiste brésilien Celso Furtado parlait de « mythe du développement économique brésilien », l’offre privée laisse perdurer le mythe d’une offre de soins performante et adéquate.

Fig.1 L’offre des lits en soins intensifs privés par régions

Source : CFM, 2016                                                                                                 H. Foissotte, 2020

Seuls 12% des Nordestins et 11% des habitants  de la région Nord bénéficient d’une couverture santé privée. Ils sont respectivement 36%, 33% et 25% dans les régions Sudeste, dans le district Fédéral et dans la région Sud. Alors que ces trois régions regroupent 55% des habitants du pays, on y trouve plus de 75% des bénéficiaires des assurance santé privées. Chiffre marquant, le district de la capitale a une offre privée de lits en soins intensifs de 8.2 lits pour 10 000 habitants alors que l’offre publique est à peine supérieure au minimum requis. Ces chiffres illustrent les différentiels de richesse et de développement entre Sud et Nord du pays. Les grandes entreprises et le travail salarié et formel en général se concentrent dans les métropoles du Sudeste et du Sud et dans le triangle » Sao Paulo-Rio- Belo Horizonte », ce qui explique en partie la capacité plus grande des leurs habitants à souscrire à une assurance privée . Plus de 12 millions de Brésiliens vivent dans un habitat informel (favelas). A Belèm, c’est plus du tiers de la population qui vit dans un habitat précaire. L’affection par le Covid 19 de certaines communautés laisserait augurer à la fois d’une propagation rapide du virus et de l’incapacité des services de santé publics de prendre en charge les personnes touchées. Pourtant, à ce jour, le président d’extrême droite Jaïr Bolsonaro semble toujours rétif à prendre des mesures préventives de confinement pour retarder le plus possible ce que les politiques néo-libérales de désengagement de l’Etat ont rendu inexorable.