Les précédentes études de Tiradentes-géographie sur la violence au Brésil ont mis en exergue l’exemplarité de l’Etat de Sao Paulo. L’Etat de la capitale économique est le seul à avoir enregistré une baisse du nombre d’homicides et du taux d’homicides depuis 1990. Cette baisse semble s’inscrire dans le marbre du temps. Si on ne peut encore parler de ville « sûre » en termes de sécurité, car avec un taux de 8.3 homicides pour 100 000 habitants, elle reste violente selon une acception européenne, peut- on cependant envisager à terme une violence sous contrôle ? Ces résultats sont-ils exportables dans les autres Etats brésiliens et/ou les autres pays d’Amérique latine ?

Cette réflexion est née lors d’une conférence de Frédéric de Saint-Jean pendant « les Rencontres de Darb », (Frédéric est auteur par ailleurs du livre à paraître « Le rhum et les grands crimes de l’histoire »).

• Des facteurs démographiques, socio-économiques et politiques

– le vieillissement de la population comme facteur explicatif de la baisse des homicides
Dans nos précédents articles, les données de l’Atlas da Violencia, issues de l’IPEA et du « Forum de segurança publica », avaient rappelé le lourd tribut de la jeunesse brésilienne en termes de morts violentes. Alors que la classe d’âge 15-24 ans ne représente que 20% des Brésiliens en 2019, elle enregistre 50% des homicides. Hors, à sao Paulo, cette classe d’âge s’est réduite au fur et à mesure de l’achèvement de la transition démographique. C’est un facteur explicatif de la baisse des homicides dans l’état de Sao Paulo. Ceux ci sont mécanique ment moins nombreux car la classe la plus exposée est proportionnellement de plus en plus réduite.

– L’éducation, un rempart contre la violence

Le taux d’analphabétisme résiduel (moins de 3%) semble montrer une présence de l’état concrète qui permet aux citoyens de se projeter dans la société. L’école et les institutions en général apparaissent comme les cadres normatifs du contrat social.

– la lutte contre la violence sociale : prémisse du contrôle de la violence

La croissance économique de l’état le plus riche du pays a permis de faire sortir bon an mal an des centaines de milliers de personnes de la pauvreté et de les accompagner progressivement vers la classe moyenne. Le sentiment de déréliction que peuvent ressentir les populations de certains états du Nordeste est moins présent dans l’état de Sao Paulo. De plus, la longue tradition syndicaliste, descendue des bateaux avec les ouvriers européens des la fin du XIXeme siècle, a permis de créer un environnement professionnel plus propice à la redistribution des bénéfices sur le facteur travail. La notion de développerment y a pris un sens peut-être plus concret qu’ailleurs.

Ces éléments indirectement liés aux politiques sécuritaires ont eu un impact significatif sur la baisse des homicides.

– Le monopole du PCC

Un facteur reste sujet à controverse : celui du monopole du PCC (Doc.1). Le PCC (primeiro comando da capital, ndlr) est une des plus puissantes organisations criminelles du Brésil. Dans l’état de Sao Paulo, elle contrôle l’intégralité du territoire. De fait, de nombreux homicides liés aux guerres des gangs sont ainsi « évités ». La violence interne à ce gang permet de contrôler les agissements criminels de ses membres, comme la « paix de Dieu » contrôlait la violence de la société médiévale. Ainsi, paradoxalement, ce gang est peut-être un élément explicatif de la violence mesurée de Sao Paulo.

Doc.1 la carte des factions criminelles au Brésil

Également, à l’encontre de la volonté actuelle de réarmer les « gens de bien » selon l’acceptation du nouveau président, l’état de Sao Paulo a mis en place de manière précoce une politique stricte de contrôle des armes.