Source : courrier international
« Pléonasme » dirait en souriant Fabrice B à la lecture de l’adjectif « politique » accolé au vocable « carnaval ». Le carnaval, depuis le moyen-âge, est une fête politique car le renversement temporaire de l’ordre social manifestait l’existence de ce contrat social qui liaient les faibles aux puissants. Il n’y avait point de puissants sans gueux. Ce carnaval 2019 a ainsi montré l’existence de tout un peuple brésilien en demande d’égalité et de justice et dont l’irrévérence n’est que l’expression d’un puissant Eros qui s’oppose au thanatos d’un passé et malheureusement encore d’un présent trop violents. Pied de nez à l’administration Bolsonaro, c’est le visage souriant de Marielle Franco qui ornait les drapeaux roses et verts des blocos de Mangueira, l’école de samba victorieuse. Sur les chars et sur les drapeaux brésiliens, les couleurs des « héros oubliés » du Brésil, noirs, indiens et LGBT, remplacée les couleurs officielles de la bannière du géant impavide.
Le beau billet de Mathilde Serrell rappelle la dimension « carnavalesque » de cette manifestation politiquement incorrecte.
« Quoi de plus politique que le carnaval ? Loin d’être une simple manifestation folklorique, le carnaval est une des expressions les plus subversives de la culture populaire. C’est le temps du grand renversement des valeurs et des hiérarchies. Le carnaval de Rio cette année, premier depuis l’élection de Jair Bolsonaro au Brésil, aura été particulièrement « carnavalesque ».
C’est l’école de Samba la plus contestataire qui a triomphé hier, après plusieurs jours de compétitions festives au cœur de l’immense sambodrome de Rio : la Manguiera affichait sur son char la bannière « dictature assassine ».
Selon le théoricien littéraire Mikhaïl Bakhtine qui a conceptualisé le carnavalesque chez Rabelais (au moyen-âge et à la Renaissance) : le renversement se fait entre le haut et le bas. Notamment entre les dominants et les dominés. C’est exactement ce qu’a mis en scène l’école de samba Manguiera qui a voulu renverser l’histoire officielle et les symboles patriotiques ».
http://www.franceculture.fr/emissions/le-billet-culturel/le-billet-culturel-du-vendredi-08-mars-2019