source: Escola em Brejo Santo, no Ceará. ANA CAROLINA CORTEZ

L’équipe Tiradentes-géographie a choisi de présenter et d’enrichir un article de la BBC qui s’attache à définir les défis du Brésil pour 2019, regroupés en cinq catégories. https://www.bbc.com/portuguese/brasil-46431115

Le présent article, premier de la série, va s’intéresser aux défis de l’éducation au Brésil.

• L’éducation apparait comme un chantier majeur pour l’avenir du pays.

Comme le rappelle S. Souchaud, « la demande éducative au Brésil est intimement liée aux transitions urbaine, démocratique et démographique. La chute de fécondité a fait émerger une demande d’instruction généralisée. Il s’en est suivi une élévation presque mécanique du niveau de formation, dont l’économie a bénéficié de différentes façons par des gains de productivité ou une croissance de consommation intérieure, conséquence d’une amélioration des niveaux de salaires ». (Souchaud, 2018, p88). De fait, la durée moyenne de scolarisation est passée de 5.8 à 8.2 années entre 1992 et 2009 (op.citée). Pourtant, l’amélioration du système scolaire et universitaire brésilien apparait bien comme un chantier majeur du Brésil d’aujourd’hui et de demain sur le chemin de l’émergence.

Au classement PISA, le Brésil occupe une peu glorieuse 63ème place alors que les voisins argentins, chiliens et colombiens occupent respectivement les 36ème, 44ème et 56ème place.

Seuls le Pérou et la République Dominicaine sont plus mal classés…la note en mathématiques du Pérou est sensiblement supérieure à celle du Brésil. Pourtant, comme le rappelle le site britannique, les dépenses pour l’éducation, soit 6% du PIB, sont légèrement supérieures à celles de l’OCDE (5.3%). Les dépenses de la France étaient de 5.6% en 2015 (NDLR). (https://data.oecd.org/fr/eduresource/depenses-publiques-d-education.htm). Certes, l’analphabétisme a été pratiquement éradiqué depuis les années 80 (le taux d’alphabétisation des adultes est de 92%, alors qu’il n’est que de 68% au Maroc, qui a pourtant les prétentions de pays émergents) mais la qualité de l’enseignement public est fortement décriée. Phénomène ubiquiste qui commence à toucher la France, la fonction d’enseignant est peu valorisée, peu valorisante et peu attractive. Le salaire y est un des plus faible de l’OCDE. (https://oglobo.globo.com/sociedade/educacao/salario-minimo-pago-ao-professor-no-brasil-um-dos-piores-do-mundo-23056381). Les formations des enseignants sont inadéquates et ne répondent souvent ni aux attentes des élèves ni aux exigences de la minute. La technologie est trop peu présente dans les établissements scolaires, elle a pourtant une double vertu, celle de captiver les apprenants et de préparer leur accés au monde du travail.

Ces vingt dernières années, le Brésil a considérablement augmenté le nombre d’enfants scolarisés, mais cette amélioration quantitative, certes fondamentale, ne sest pas restranscrite sur le plan qualitatif en termes pédagogiques et spatiaux. Les véritables progrés, les plus importants peut-être sur les sentiers erratiques du développement, ont été réalisés dans « l’enseignement fondamental », qui correspond à l’enseignement primaire et au collège en France (NDLR). A contrario, l’enseignement au lycée demeure la pierre d’achoppement du système éducatif brésilien. Aucun Etat n’a atteint les objectifs gouvernementaux définis par un Indice idoine de Développement de l’éducation basique (IDEB). Un des défis majeurs, que l’on mesure également en France dans une moindre mesure, est le manque de garantie de l’acquisition des connaissances et des compétences de base à la fin du cycle d’enseignement fondamental. La non maîtrise de ce socle augmente l’occurence de redoublement et d’abandon scolaire, problème majeur au Brésil et dans de nombreux pays du Sud. Trop souvent encore, la fin du cycle fondamental apparaît comme un goulot d’étranglement (« grande gargalo » dans le texte de la BBC, op.citée ).

Enfin, si l’enseignement supérieur se développe, il reste en retard par rapport aux autres pays de l’OCDE. 12% des 25-64 ans ont un niveau d’instruction supérieure. C’est presque 3 fois moins que dans le reste de l’OCDE (OCDE, 2014). Pourtant, en 20 ans les progrés ont été notoires. Paradoxe brésilien, les universités sont gratuites et d’un trés bon niveau mais elles ne s’intègrent qu’aprés la réussite à un examen très sélectif, le vestibular. Or, ce sont les écoles privées qui préparent le mieux à ce concours. Parmi les 100 écoles qui ont eu les meilleurs résultats à l’examen équivalent au bac français, 97 étaient privées. (https://g1.globo.com/educacao/noticia/das-100-escolas-com-maior-nota-media-no-enem-2015-97-sao-privadas.ghtml). Ceci a créé un appel d’air pour la création d’un réseau universitaire privé, que l’Etat brésilien a encouragé plus ou moins directement en distribuant de nombreuses bourses d’enseignement supérieur aux familles les plus modestes à travers le programme « Université pour tous » (Souchaud, op.citée). Grâce à un environnement encourageant l’enseignement supérieur, le nombre de lauréats a considérablement augmenté. Les dîplomés de troisième cycle (mestrados et doutorados, l’équivalent de nos masters et doctorats) sont passé de 14 300 à prés de 35 000 entre 2000 et 2015. Le nombre de doctorats passant pour la même période de 3700 à 10500 (op.citée). Le nombre d’institutions d’enseignement supérieur a été multiplié par 4, démocratisant de fait socialement et spatialement l’accés à l’université. Ainsi, la part des doctorats délivrés dans les universités du Nordeste a doublé, augurant d’un futur meilleur pour cette région en retard de développement, alors que l’hégémonie du Sudeste se réduisait, passant de 83.3% à 61.5% (op.citée).

Si aujourd’hui la situation n’est pas à la hauteur des attendus d’une puissance majeure de la planète, les évolutions ont permis quelques fols espoirs. Cependant, la crise a brusquement laissé repartir à la hausse les inégalités sociales d’accés à l’enseignement que les mesures de discrimination positive des gouvernements Lula et Rousseff avaient enrayées. Le nouveau président brésilien s’est de plus déclaré opposé au maintien de ces mesures.