Les défis du Brésil en 2019 : la lutte contre la violence

Deuxième d’une série d’articles « les défis du Brésil en 2019 », compilés à partir d’un article de la BBC Brasil, cet article va s’intéresser au mal endémique du Brésil : la violence. C’est un des éléments explicatifs de l’élection du nouveau président brésilien qui a fait de la lutte contre la violence son cheval de bataille. https://www.bbc.com/portuguese/brasil-46431115

La violence est constituante de l’histoire et de l’anthropologie brésiliennes. L’appropriation territoriale, perpétuée jusqu’au 18ème par les bandeirantes, aventuriers au service du roi du Portugal, s’est faite dans le sang de la répression des peuples indigènes et de l’esclavage. Historia da violencia no Brasil

La République elle-même s’est imposée par la force. Dans son ouvrage princeps « Hautes Terres », Euclides Da Cunha, journaliste mais également militaire positiviste, comme Benjamin Constant, un des pères de la République brésilienne, va finalement renvoyer dos à dos, la violence des armées de la République envoyées à Bahia pour réprimer les troupes du mystique « Antonio conselheiro » lors de la guerre des Canudos et celle des rebelles. Le régime militaire, entre 1964 et 1986, va « institutionnaliser » cette pratique, usant de sa violence légitime au nom de l’intérêt supérieur de la nation. Le Brésil, à la différence de ses voisins, n’a pas sû, n’a pas pu juger les crimes et leurs auteurs. Pis encore, c’est peut-être la volonté de Dilma Rousseff, ex-présidente et vicime de la répression, de mettre en place une commission de justice qui allait précipiter sa chute. Beaucoup de Brésiliens des classes moyennes et supérieures partagent encore cette vision d’une violence de l’Etat qui serait le seul rempart contre la violence des masses, brutales et peu éclairées. C’est sans doute ce qui a facilité l’arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro, ouvertement nostalgique du régime militaire.

La violence au Brésil : une approche géographique

« En trois semaines, il y a eu plus de personnes assassinées au Brésil que de morts lors de toutes les attaques terroristes du monde pendant les cinq premiers mois de 2017 »

(in Atlas da violencia 2017 http://www.ipea.gov.br/atlasviolencia/download/2/atlas-2017)

Aujourd’hui, avec 30 homicides pour 100 000 habitants, la 8ème puissance économique du monde a un taux de criminalité 30 fois supérieur à celui de l’Union Européenne. Cette violence s’est exacerbée depuis le régime militaire entre 1964 et 1985. L’opposition anthropologique entre classes dominantes et classes dominées, souvent sur des bases « raciales » (blanc/noir au Brésil, blancs/indigènes au Guatemala, camba/colla en Bolivie) s’est surimposée aux impérities des élites. L’égalité théorique entre citoyens n’a pas permis aux démocraties réinstallées depuis les années 90 d’instaurer de réelles conditions de vivre ensemble. Au Brésil, la pauvreté reste prégnante malgré les progrès des années de croissance, les systèmes scolaires et de santé déficients, la justice défaillante malgré les efforts consentis par les derniers gouvernements.

Le présent article a pour objectif de mettre en évidence aux différentes échelles l’expression spatiale diachronique de la violence et son évolution.

I Une croissance permanente des homicides

Depuis 1990, le nombre d’homicides au Brésil a été pratiquement multiplié par 2.

Tab.1 Les homicides au Brésil entre 1990 et 2015 : nombre, taux et évolution

1990 2000 diff90_

2000

2010 diff2000-2010 2015 diff2010-2015 diff1990-2015
Nbre homicides 31659 45433 43,5 53016 16,7 61143 15,3 97,5
Taux d’homicide 22 27 18,5 28 3,7 30 7,1 37,2

Source : SIM, http://www2.datasus.gov.br/DATASUS/ tiradentes-geographie, 2018

Alors que les données du SIM (système d’information sur la mortalité) permettaient de dénombrer 31 659 homicides en 1990, on en compte près de double en 2015 (tab.1). Ce nombre a explosé entre 90 et 2000. Sous les années Lula, entre 2000 et 2010, la croissance du nombre d’homicides n’a été « que » de 16.7% mais entre 2010 et 2015, pour cinq ans seulement, l’augmentation du nombre d’homicides a été égale à celui de la décennie précédente. Deux remarques s’imposent alors :

1- Une politique de redistribution des richesses (bolsa familia), d’éducation accompagnée d’une forte croissance économique va limiter la criminalité.

2- Cependant, des actions ponctuelles ne peuvent changer radicalement une violence ancrée dans les inégalités sociétales brésiliennes. Parmi ces homicides, un certain nombre ont été perpétrés par les forces de l’ordre dans l’exercice de leur fonction.

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