Un assassinat (un de plus diront certains) a profondément marqué les esprits au Brésil, comme les attentats de Charlie Hebdo l’avaient fait en France. Le 14 mars 2018 vers 21h30, la voiture de Marielle Franco, membre de l’Assemblée législative de la ville de Rio de Janeiro, et issue du PSOL (extrême gauche) a été la cible des balles d’un tueur professionnel. Sa vie s’est achevée sous les balles de tueurs qui l’ont abattus, elle et son chauffeur. Au-delà d’une personne rayonnante, d’une citoyenne engagée pour un Brésil et un monde plus justes, c’est un symbole que les assassins et leurs commanditaires ont voulu faire disparaitre. Marielle Franco était une égérie du mouvement LGBT, des combats pour l’égalité au Brésil et pour l’émancipation des noirs. Par sa personne, elle représentait l’espoir d’une société nouvelle où les chemins des possibles seraient ouverts à tous, quelles que soient ses origines sociales, encore hélas fortement corrélées à sa couleur au Brésil. Née et élevée dans la favela de Maré, elle a réussi à suivre un cursus scolaire exemplaire qui lui a permis de décrocher une maîtrise en administration publique, qu’elle avait réalisé sur les UPP (unités de police de pacification, installées dans les favelas). Elle avait montré l’usage d’une force disproportionnée par certains bataillons de police militaire.Il y a quelques mois, sa veuve dénonçait la lenteur de l’avancée des recherches. « En tant qu’épouse, je ressens une douleur très particulière. Mais en tant que Brésilienne, ça me fait aussi mal de voir qu’un tel attentat à la démocratie puisse rester tant de temps sans réponse »… »non pas pour une question de vengeance, mais pour une question de justice, pour s’assurer qu’il existe encore un État de droit au Brésil ».
Le journal « Le monde » publiait le 18 décembre un intéressant article qui confirmait la volonté d’une partie des institutions de se libérer de la violence et de la corruption qui les gangrènent parallèlement à la difficulté d’y parvenir.
Marielle a été tuée par des groupes criminels car elle menaçait leurs intérêts dans des affaires d’appropriations foncières illégales. C’est ce qu’a affirmé vendredi 14 décembre un responsable de la sécurité de l’Etat de Rio.
« Elle se battait dans une zone contrôlée par des miliciens, où des intérêts économiques de toute sorte sont en jeu », a expliqué le général Richard Nunes, dans un entretien au quotidien Estado de S. Paulo. Et ce dernier d’assurer que c’est ce qui a conduit au meurtre de la conseillère municipale et de son chauffeur.
Selon le général Nunes, les milices, des groupes parapoliciers formés d’agents ou d’ex-agents de sécurité, ont de nombreux intérêts fonciers dans les favelas. « Il y a de graves problèmes d’urbanisation et d’occupation de terres », notamment dans les quartiers ouest de Rio.
Marielle Franco se battait pour « sensibiliser » les gens de ces quartiers à la question de la propriété foncière. « Cela a causé de l’instabilité et c’est là que nous arrivons » à son assassinat, a ajouté M. Nunes.
Les autorités fédérales soupçonnent notamment l’existence d’une organisation de « fonctionnaires et de miliciens » qui cherchent à bloquer les investigations sur ce meurtre. Une deuxième enquête sur ces soupçons a été ouverte.
Jeudi, la police civile de Rio a lancé plusieurs mandats d’arrêt et ordonné des perquisitions. Le conseiller municipal Marcello Siciliano, qui pourrait avoir planifié l’assassinat avec un ancien policier, a été interrogé vendredi.
Un rapport de la police civile de Rio, diffusé jeudi dans la presse, a aussi révélé que des miliciens avaient élaboré un plan pour assassiner le député Marcelo Freixo du Parti socialisme et liberté (PSOL, gauche), mentor politique de Marielle Franco et à l’origine d’une enquête parlementaire qui, en 2008, avait démasqué les puissantes milices.