Ce que peut réellement faire Bolsonaro

Le programme du nouveau président brésilien reposait sur quelques propositions, quelquefois radicales. Andrès Chalders, de BBC News Brésil a étudié la faisabilité de 10 propositions choc de Bolsonaro à la lumière du droit et de de la constitution brésiliens. (Bolsonaro presidente: os obstáculos para concretizar 10 de suas propostas mais polêmicas)

Tiradentes-geographie va tenter de synthétiser l’analyse du journaliste de la BBC

1  Réintégrer l’instruction morale et civique dans les écoles.

Cette proposition, qui ne semble pas la plus radicale et qui ne choquera pas les pédagogues progressistes, reste néanmoins difficile à mettre en place car au Brésil toute réforme des programmes doit être approuvée par le Congrès national sous forme d’un projet de loi, par majorité simple des deux chambres, puis par le ministère de l’éducation (MEC) et par le Conseil National de l’Education. Dans un pays fédéral où les compétences sont démultipliées aux différents échelons territoriaux, il faudra également que les communes (municipes) et les Etats en charge des établissements municipaux et fédérés approuvent par un vote de leurs chambres respectives une modification des lois portant mention des contenus des programmes d’enseignement. Sans doute faut-il préciser que l’acronyme EMC a été employé pour les enseignements de « morale » pendant le régime militaire et a changé d’appellation en 1993. Toute ressemblance avec des acronymes pédagogiques français n’est pas fortuite car la pédagogie française est très présente au Brésil. Pour Célio Da Cunha, chercheur en sciences de l’éducation, ces enseignements existent sous d’autres formes.

2 Accorder l’immunité aux policiers qui tuent en service

Cette  proposition est sans doute ce qui fait le plus craindre la dérive autoritaire et démocratique du régime. Bien sûr, le code pénal, au Brésil comme dans toutes les démocraties, prévoie une clause d’exception à la violence légitime de l’Etat. Tout citoyen, tout policier peut utiliser la violence dans le cadre de la légitime défense, définie de manière très précise dans le code pénal. Dans le cas du Brésil, où la police exerce souvent son pouvoir dans un cadre informel, cela pourrait légitimer des exécutions arbitraires et sommaires, qui par définition sortent du cadre de la loi, expression démocratique de la volonté populaire. A ce jour, la faisabilité d’une telle loi est très difficile à établir. Pour réformer le code pénal, il faut que la chambre et le Sénat approuvent le projet de loi à une majorité simple. Mais quelle serait la constitutionnalité de cette loi ? On ne peut y répondre pour l’instant.

3 Fusion des ministères

Ce processus est d’ores et déjà en cours avec, entre autre, le projet d’un super-ministère de l’agriculture et de l’environnement. Les ONG de protection de la nature, des droits de l’homme, s’inquiètent de la conséquence de ce « ministère oxymore ». Les lobbies agricoles et agro-alimentaires, très puissants au Brésil, auront alors donner libre cours à leur volonté de défricher de nouveaux espaces. Bolsonaro veut réduire le nombre de ministères de 27 à 15.

4 Un taux unique d’imposition à 20%

Cette idée a été présentée par le très libéral Chicago Boy Paul Guedes. Jusque là, le Brésil avait des tranches progressives d’impôt qui allait de 7.5 à 27.5 %. Désormais tous les imposables paieraient 20% d’impôt sur le revenu. Si cette mesure est réalisable en termes de procédure légale, là-encore, le journaliste Andres Chalders se questionne sur la recevabilité constitutionnelle de cette loi. Les classes moyennes et populaires séduites par le discours de Bolsonaro pourraient alors voir que derrière tout discours populiste, il y a une volonté de s’assurer du soutien des plus forts. L’histoire des années 30 nous le rappelle.

5 La fin de la création de territoires indigènes

Cette mesure peut facilement s’appliquer car c’est le président lui-même qui promulgue les décrets visant  la reconnaissance de nouveaux territoires autonomes. Or, on sait combien ces créations sont importantes d’un point de vue humain, anthropologique et environnemental car les peuples indigènes peuvent y vivre protégés de la violence d’une « mainstream society » par laquelle ils sont de fait rejetés, car ils sont moins diplômés, plus pauvres qu’une société très occidentalisée dont certains aujourd’hui encore ne partagent pas les codes. Enfin, certaines de ces terres apparaissent comme de vrais enjeux pour la biodiversité. La lutte (perdue) contre le barrage de Belo Monte, où peuples indigènes et société civile s’étaient unis, montre le caractère transcendant de ces combats. Jusqu’à récemment, les peuples indigènes étaient perçus comme des être inadaptés, vivant dans des zones reculées, alors même qu’il existe de nombreuses communautés urbaines et/ou périurbaines. La loi les considérait comme mineurs. Les propos de Bolsonaro surfent sur cette méfiance envers les premiers habitants du Brésil. Une question demeure : quel sera le poids de la société civile face à cette mesure ?

6 Privatisation des entreprises d’Etat

Les « Bras » sont un héritage des années 70, sous le gouvernement militaire, où la puissance d’un Etat fort se manifestait par son contrôle de certains secteurs stratégiques, vision partagées par les chefs d’Etat français, dont De Gaulle dés la libération. Aujourd’hui, libéralisme obligeant, Temer, puis le nouveau dirigeant Bolsonaro veulent privatiser les « bijoux de famille » brésiliens.

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