Cet excellent article du site « el pais » rappelait l’épisode de la révolte des vaccins en 1904 à Rio. Comment ne pas mettre ceci en parallèle avec le mouvement actuel « anti vaccin » ? Aujourd’hui, dans le monde, les anti vaccins sont quelquefois adeptes des théories du complot, des défenseurs des libertés individuelles…ou des promoteurs d’intérêts particuliers. Au Brésil, certains élus bolsonaristes s’opposent à toute prescription obligatoire du vaccin, car cela avaliserait de fait l’échec de la politique gouvernementale contre le covid19.
En 1904, la République positiviste brésilienne, sous la férule de Rodrigo Alves, voulait faire de Rio la « capitale du progrès ». Comme lors de la guerre de Canudos, quelques années auparavant, on ne pouvait s’accommoder des choses du passé. Et la variole, depuis la découverte du vaccin par Jeneer en 1798, était un affront à la devise brésilienne. Au nom de l’hygiénisme et du progrès, on avait « modernisé » Rio et Sao Paulo. Sans doute faut-il comprendre : destruction des quartiers populaires (cortiços)et déplacement ou expulsion des classes laborieuses que les élites estimaient trop souvent dangereuses. La loi rendant la vaccination obligatoire contre la variole proposée par le médecin Osvaldo Cruz allait déclencher une révolte de plusieurs jours pendant lesquels la foule en colère allait s’affronter à la police et dégrader des boutiques, des tramways et des biens publics (corum, 1999). Certains historiens comme Chalhoub (1997) y voient une réaction d’une population à laquelle on voulait imposer un mode de pensée et plus généralement une mise sous contrôle et l’impossibilité de pratiques politique et culturelle « indépendantes ». Toute ressemblance avec des situations actuelles serait-elle purement fortuite ? Dans un approche plus anthropologique, le même Chalhoub rappelle la conception traditionnelle des maladies par les populations des quartiers populaires d’alors et qui n’a jamais été intégrée dans la démarche explicative des édiles. Nier les croyances en une genèse magico-religieuse des maladies avait été perçue comme une négation de l’existence même de cette classe souvent descendante d’esclaves, affranchis depuis moins de deux décennies (l’abolition de l’esclavage au Brésil date de 1888, NDLR). Certes, il ne s’agit pas ici de mettre en doute l’efficacité des campagnes de vaccination actuelles et passées. Les apports des connaissances et des pratiques « pasteuriennes » allaient permettre de faire chuter durablement les taux de mortalité des populations les plus fragiles et ceux de mortalité infantile en particulier. Il s’agit aujourd’hui d’un mouvement de révolte contre les impérities de gouvernements qui ont sacrifié les systèmes de santé sur l’autel des équilibres budgétaires et qui demandent maintenant à toute une frange de petits soldats de se battre pour une économie libérale qui envoie ses nervis au Liban, en Amérique latine, en France ou en Espagne lorsque ces mêmes petits soldats réclament le seul droit de vivre dignement.