Kuhikugu, cité perdue d’Amazonie, de Percy Fawcett à Michaël Heckenberger

Le site de Kuhikugu, en Amazonie brésilienne apparait comme une découverte et une énigme archéologique et scientifique majeure.

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Le titre de l’article (i.e « Kuhikugu, cité perdue d’Amazonie ») fait penser à une aventure d’Indiana Jones et en quelque sorte, c’est bien cette cité mythique qui va inspirer le célèbre personnage au chapeau. Si Indiana Jones n’a pas existé, le personnage qui l’a inspiré est lui bien réel. C’est un colonel anglais Percival Percy Fawcett, né en 1867 en Angleterre. Son père, militaire né dans l’empire des Indes  lui a très tôt inculqué le goût du voyage.

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Ce grand homme blond au regard bleu acier avait tout du héros romantique, comme Lawrence d’Arabie.  Agent secret, topographe et membre de la Royal Geographical society, il est mort  en poursuivant  son rêve.

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Ce britannique a cherché pendant des années une cité perdue au fin fond du Brésil, qu’il nommera cité Z.           fawcett5

 

Sa disparition en 1925 a contribué au mythe de l’explorateur intrépide mais aussi au fantasme de l’Amazonie.

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C’est donc ce militaire anglais qui va indirectement être à l’origine d’une remise en cause des connaissances archéologiques et géographiques sur cette  région du monde à cheval sur 9 pays.

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Ce mythe de l’Amazonie n’est cependant pas nouveau. Le nom même « Amazonie » est une référence au mythe grec des amazones, Peuple de femmes guerrières issu de l’union entre Arès, Dieu de la guerre, et la nymphe Harmonie.

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Depuis sa découverte au 16ème siècle par un conquistador, le lieutenant de Pizzaro, Fernando de Orellana, cette région d’Amérique du Sud fascine et effraie les Européens.

 C’est l’Eldorado et l’enfer vert peuplé de créatures étranges. Orellana, entre 1540 et 1542, est le premier à descendre le fleuve Amazone – qui ne porte pas encore ce nom. Le 24 juin 1542, il se serait fait attaquer par une horde féminine à cheval…Mais dans son récit, il évoque des rives du fleuve Amazone peuplées en certains lieux par des villages alignant leurs habitations sur des dizaines de kilomètres de long.

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Mais l’histoire a tôt fait d’assimiler les écrits du vicaire dominicain à des chroniques où la mythologie et  les fantasmes d’une Europe encore moyen-âgeuse l’emportaient sur la rigueur historique. On n’a d’ailleurs jamais trouvé de trace probante de ces guerrières mythiques. De plus, pour les géographes et les historiens modernes, les terres amazoniennes n’ont jamais abrité de populations denses ni de sociétés organisées.

Les tribus, à la différence d’autres civilisations  sud ou mésoaméricaines, n’y ont pas laissé de constructions en dur. On les a longtemps réduit à des peuples de chasseurs-cueilleurs primitifs vivant à l‘âge de pierre et se contentant de ce que la nature voulait bien leur donner. En 1982, Pierre Gourou, dans son ouvrage princeps « Terres de bonne espérance », opposait d’ailleurs les fortes densités du delta du Mékong à celles très faibles du bassin de l’Orénoque. Il justifiait ceci par l’absence ou la mauvaise maîtrise de « techniques d’encadrement ».  Dans un des ses premiers ouvrages écrits en 1949, il laisse cependant une porte entrouverte à la possibilité de civilisations antérieures plus développées que celles d’aujourd’hui et évoque la présence de « terre noire » bien plus fertile que les sols tertiaires et quaternaires.

Au début du XXème siècle, le colonel Fawcett, qui a  fait des repérages pour les services secrets britanniques en Afrique du Nord est désormais topographe et membre de la Royal Geographic society.

 Il est envoyé en mission d’arbitrage pour délimiter les frontières entre la Bolivie et le Brésil afin d’éviter une guerre ouverte entre les deux pays. La Grande-Bretagne a tout à gagner à ce que la région soit calme car on est en plein boum du caoutchouc et le Royaume Uni a besoin du précieux latex pour son industrie (les pays d’Europe occidentale sont en pleine période d’industrialisation). Il va également cartographier un grand nombre de « zones blanches » et s’aventurer au-delà du monde connu jusqu’alors, illustrant avec force détails une nature peuplée de créatures étranges.

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Pendant une de ses 6 missions, entre 1906 et 1913, il aurait rencontré un cacique qui va lui parler de l’existence d’une ville très ancienne en ruine et de mines perdues, histoire qu’il va prendre très au sérieux. Il va trouver dans une bibliothèque de Rio le mystérieux manuscrit « 512 » qui va le pousser à reprendre sa recherche de la mystérieuse cité Z.

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Il falloir attendre les années 70 pour que les remarques d’Antonio Pires  soient corroborées par R.Carneiro et surtout par M Heckenberger, « Le haut Xingu est la seule région de l’Amazonie brésilienne qui montre clairement la continuité de l’occupation indigène depuis la préhistoire jusqu’à nos jours. En 1400, si ce n’est avant, les villages préhistoriques avaient atteint des proportions impressionnantes (20 à 50 hectares). Ils sont donc parmi les plus grands de toute la zone de plaine d’Amérique du Sud à l’époque préhistorique.  Ils comprenaient une variété de structures, notamment des chaussées linéaires en bordure des chemins principaux, des patios centraux et des fossés profonds. Elles auraient sans doute été accompagnées de structures de surface telles que des palissades, des ponts et des portes d’entrée. On estime que ces villages pouvaient abriter un millier de personnes et que plus de dix mille Indiens vivaient probablement à l’ouest de la rivière Culuene dans la région du Haut Xingu « .

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Les découvertes de Mickaël Heckenberger et de son équipe vont ainsi montrées que l’Amazonie précolombienne a abrité des populations 10 à 20 fois plus nombreuses qu’aujourd’hui et surtout qu’elles étaient organisées autour de structures urbaines qui n’avaient rien à envier à celles des villes moyennes  d’Europe occidentale d’alors.

Heckenberger va cartographier avec la précision d’un arpenteur des fossés larges et profonds et des routes larges comme des autoroutes actuelles, des palissades protégeant des villages, des territoires exploités de manière plus ou moins intensive, des villages nombreux reliés entre eux par un réseau de routes très sophistiqué. Il prend alors conscience d’un haut degré d’intégration régionale. Les espaces occupés s’organisaient sur près de 250 km² dont 50 km² pour les ensembles urbains  stricto sensu. Plus récemment, des fouilles menées par l’équipe anglo-brésilienne de Jonas Gregorio de Souza vont mettre en évidence un continuum de cités interconnectées de civilisation arawak sur plus de 400 000 km². On est bien du « désert humain » évoqué dans les livres de géographie depuis près d’un siècle. Des petites villes de 1000 à 2000 habitants organisaient de manière fractale l’espace local et régional.

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Une des grandes découvertes réside également dans ce que les agronomes appellent la terra preta « la terre noire des Indiens », d’origine anthropique.

Le mythe de la forêt primaire inviolée a fait long feu. C’est bien toute une vision établie sur l’impossibilité pour les civilisations amazoniennes de développer des échanges complexes entre elles  et de cultiver intensivement un terroir amazonien latéritique et stérile qui vole en éclat. Ceux que l’on a considéré dans le meilleur des cas comme de « bons sauvages » seront-ils désormais des modèles pour une sauvegarde de la planète, s’il en est encore temps ?

Hecklenberger compare en effet les cités du haut Xingu à des cités-jardins qui pourraient bien être le modèle le plus à même de concilier urbanisation durable et protection de la biodiversité. Mais les réserves indiennes apparaissent comme de bien fragiles remparts contre la déforestation amazonienne, le soja OGM et les pâtures extensives.

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