L’excellente émission de géopolitique produite par Jean-Christophe Victor et désormais animée par Emilie Aubry depuis 2017 s’est intéressée au cas du Brésil face au Covid 19; Cette crise sanitaire a été analysée sous deux angles : celui de sa spécificité de géant émergent aux inégalités spatiales et sociales marquées et celui de la gestion de la crise par son président d’extrême-droite Jaïr Bolsonaro.

Comme dans notre précédent article sur le confinement au Brésil et au Maroc, la situation des populations précaires rend le contexte du Brésil, comme celui des pays du Sud en général, particulièrement délicat : comment permettre à ces populations vulnérables de répondre à leurs besoins primaires et secondaires sans sortir de chez elles, quand ce « chez elles » est souvent un logement exigu, quelquefois insalubre, au taux d’occupation en général supérieur à celui des populations plus nanties. Dans ces quartiers denses, l’occurence d’interactions sociales est statistiquement élevée. L’arrivée d’une personne contaminée y prendrait rapidement une dimension tragique. La démesure brésilienne où tout est « mais grande do mundo » se mesure à l’aune de son gigantisme territorial, des inégalités d’aménagement de ce territoire et des inégalités sociales, des concentrations des richesses aux mains de quelques-uns.

Emilie Aubry et son invité, le réalisateur franco-brésilien Aurélien Francesco-Barros rappellent brièvement  les contrastes territoriaux entre des littoraux peuplés de métropoles et de deux mégapoles (Rio et Sao Paulo), si on retient le seuil statistique de 10 millions d’habitants et un Brésil intérieur moins développé. Les régions Sud et Sudeste, plus riches et développées, plus blanches se différencient fortement des régions Nordeste et Norte, plus métissées, plus pauvres et en partie oubliées de l’émergence qui caractérise le pays depuis les années 1990.  Enfin, à l’échelle urbaine et infraurbaine, les quartiers des classes moyennes et supèrieures (comme la zone sud de Rio) disposent de services de santé performants quand les quartiers populaires, les favelas et les périphéries sont en général sous-desservis en termes de services.

Globalement, avec 60 000 respirateurs (soit plus que la France), le Brésil dispose d’une capacité théoriquement sufisante pour affronter la pandémie mais les inégalités territoriales se doublent d’une inégalité de desserte en lits de soins intensifs. entre les régions du sud et  du nord et entre zones métropolitaines et zones non-métropolitaines. Seules 500 communes ont des hôpitaux offrant des services adaptés à a prise en charge du Covid19. Aurélien Francesco-Barros  précise qu’en certains lieux, il faut faire plus de mille kilomètres pour être pris en charge dans un service de réanimation. Une autre caractéristique du système de soins brésiliens est la dualité public/privé. Si le système public SUS prend en charge tous les malades, les hôpitaux privés réservent leurs lits aux seuls bénéficiaires des « plans de santé ». Sans doute est-ce là que le bât blesse. Une grande partie des lits de réanimation appartiennent à des structures privées. A ce jour, il n’y a pas eu de politique clairement définie de partage d’accés aux lits privés.

Enfin, le président d’extrême-droite Jaïr Bolsonaro a tardé à prendre des mesures qui auraient limité la propagation du covid19, qu’il a longtemps présenté comme une « grippette ». Avec une approche darwinienne cynique, il a plusieurs fois déclaré que la mort d’un certain nombre de Brésiliens était le prix à payer pour maintenir la bonne marche du pays. Certains gouverneurs des Etats qui dépendent beaucoup de la présidence pour  l’obtention des fonds budgétaires se sont engagés dans un mouvement de désobéissance civile en ordonnant le confinement des populations. Le ministre de la santé Mandetta s’est lui-même opposé à Bolsonaro. Le tribunal fédéral lui à d’ailleurs donné donne raison. Twitter a supprimé des tweets de Jaïr Bolsonaro cqui allaient à l’encontre des préconisations de l’OMS.