L’Amazonie en général et l’Amazonie brésilienne en particulier a toujours été une périphérie à conquérir depuis le temps des conquistadores européens. A la fois enfer vert et El Dorado, elle a nourri de nombreux fantasmes. C’est surtout à partir des années 60 que l’État brésilien a entrepris d’aménager, de contrôler cet immense territoire, convoité par beaucoup car outre ses forêts luxuriantes, ses entrailles regorgeaient de ressources nécessaires à la croissance économique mondiale. Pourtant, en incitant l’implantation humaine et l’exploitation des ressources amazoniennes, l’Etat brésilien allait consciemment ou inconsciemment autoriser la prise de pouvoir de « colonels », hommes politiques et/ou propriétaires terriens peu scrupuleux qui allaient mettre sous coupe réglée ces immenses territoires, bien loin des règles de Brasilia, tant du point de vue juridique qu’environnemental. Les forêts partent en fumée, les peuples indigènes sont dépossédés de leurs terres et tombent sous les balles des nervis des latifundiaires. Des syndicalistes agricoles sont assassinés tous les jours, comme le célèbre Chico Mendes. Les eaux sont empoisonnées par le cyanure des orpailleurs. L’incurie du président actuel, proche de la bancada ruralista, a accéléré ces exactions. Le crime et le feu sont symboliquement liés. On assassine pour mieux déboiser. Comme au temps des coronels, le droit et la loi sont ceux des maîtres des lieux. La police est quelquefois complice des criminels. Si on peut envisager le contrôle social et pacifique de la violence dans certaines villes brésiliennes en multipliant les programmes d’aménagement, d’éducation, de soin, d’amélioration de la qualité de la vie, cela semble peu probable en Amazonie sans une réelle volonté étatique de réinstaller l’état de droit. En a-t-il les moyens, en a-t-il la volonté ? C’est ici, entre autre que se joue le futur du Brésil.