Faut-il libéraliser la protection de l’environnement ?

La réserve naturelle de Chinko, dans l’est de la République centrafricaine, est un éco-système unique composé de savane boisée parsemée d’îlots de forêt tropicale. L’ONG African Parks, qui gère cette aire protégée depuis 2014, espère mettre fin au braconnage et aux incursions de groupes armés, afin de donner une seconde vie à ce sanctuaire de vie sauvage.

Source THOMAS NICOLON POUR LE MONDE

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/05/08/au-c-ur-de-l-afrique-la-guerre-au-nom-de-la-nature_6039073_3212.html

Peut-on, doit-on libéraliser la protection de l’environnement ? Certaines ONG comme AP (African Parks), une organisation non gouvernementale Sud Africaine se sont clairement positionnées sur ce créneau. La protection de l’environnement deviendrait finalement un business comme un autre. Si la finalité est la seule protection de l’environnement désincarnée d’une réflexion politique globale, cela peut se comprendre. A-t-elle alors une dimension téléologique ?

L’approche américaine de la wilderness au XIXeme consistait à séparer l’homme de la nature sacralisée, considérant ainsi deux systèmes incompatibles. Cette délégation de service public aux ONG par des États africains (la République centrafricaine pour le cas du parc de Chinko mais également le Gabon) va de fait exclure l’homme de l’environnement, en brisant ainsi toute approche durable. Cette approche ne serait que la continuation d’une pensée occidentale. Le chercheur Guillaume Blanc voit en effet en la gestion des parcs nationaux africains une « tradition de colonialisme vert ». https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/09/10/les-parcs-nationaux-africains-perpetuent-une-tradition-de-colonialisme-vert_6051608_3212.html

Pour ce chercheur, depuis le XIXsiècle, les « protecteurs de la nature » occidentaux perpétuent « le fantasme d’une nature africaine forcément sauvage, supposément vierge et menacée par les Africains eux-mêmes ». Selon lui, « cette doctrine irrigue aujourd’hui encore une pratique moderne et néocoloniale de la conservation. « Cet idéal d’une nature débarrassée de ses habitants guide la majorité des aires protégées du continent. Voilà ce qu’est le colonialisme vert »; (op.citée). 

Pourtant, c’est bien avec ses fusils d’assaut et ses rangers formés souvent par des anciens des forces spéciales américaines que certains Etats africains vont demander à l’ONG A.P de protéger l’immense patrimoine naturel africain en lui confiant la gestion de certains de ces parks. L’ONG PAPACO, qui propose des formations sur la connaissance et la gestion des parcs, de la faune et de la flore des aires protégées africaines, dans un de ces MOOC « valorisation des aires protégées » (https://papaco.org/fr/mooc-val/) a réfléchi à l’impact de la valorisation des aires protégées en proposant une intéressante intégration du thème « Droits et avantages des communautés « . Exclure les communautés des retombées économiques, les exclure physiquement des zones protégées apparaît de fait comme un non sens à long terme. Il semble que ce soit au contraire en proposant un nouveau modèle de développement basé sur une implication des communautés que l’on pourra créer un cercle vertueux de la « protection-développement » où le savoir-faire des populations locales sera mise en valeur.